Pospolo kutxa, 3. zenbakia (4º trimestre 2012 4. hiruhilekoa)
Formakuntza
V. I. Lénine: À la mémoire de la Commune
Quarante
ans se sont écoulés depuis la proclamation de la Commune de Paris.
Selon la coutume, le prolétariat français a honoré par des
meetings et des manifestations la mémoire des militants de la
révolution du 18 mars 1871 ; à la fin de mai, il ira de nouveau
déposer des couronnes sur la tombe des communards fusillés,
victimes de l’horrible « semaine sanglante » de mai et jurer une
fois de plus de combattre sans relâche jusqu’au triomphe complet
de leurs idées, jusqu’à la victoire totale de la cause qu’ils
lui ont léguée.
Pourquoi
le prolétariat, non seulement français, mais du monde entier,
honore-t-il dans les hommes de la Commune de Paris ses précurseurs ?
Et quel est l’héritage de la Commune ? La Commune naquit
spontanément ; personne ne l’avait consciemment et méthodiquement
préparée. Une guerre malheureuse avec l’Allemagne ; les
souffrances du siège ; le chômage du prolétariat et la ruine de la
petite bourgeoisie ; l’indignation des masses contre les classes
supérieures et les autorités qui avaient fait preuve d’une
incapacité totale ; une fermentation confuse au sein de la classe
ouvrière qui était mécontente de sa situation et aspirait à une
autre organisation sociale ; la composition réactionnaire de
l’Assemblée nationale qui faisait craindre pour la République,
tous ces facteurs, et beaucoup d’autres, poussèrent la population
de Paris à la révolution du 18 mars qui remit inopinément le
pouvoir entre les mains de la Garde nationale, entre les mains de la
classe ouvrière et de la petite bourgeoisie qui s’était rangée
de son côté.
Ce
fut un évènement sans précédent dans l’histoire. Jusqu’alors,
le pouvoir se trouvait ordinairement entre les mains des grands
propriétaires fonciers et des capitalistes, c’est-à-dire d’hommes
de confiance à eux, constituant ce qu’on appelle le gouvernement.
Mais après la révolution du 18 mars, lorsque le gouvernement de M.
Thiers s’enfuit de Paris avec ses troupes, sa police et ses fonctionnaires,
le peuple devint le maître de la situation et le pouvoir passa au
prolétariat. Mais dans la société actuelle, le prolétariat,
économiquement asservi par le capital, ne peut dominer politiquement
s’il ne brise les chaînes qui le rivent au capital. Et voilà
pourquoi le mouvement de la Commune devait inévitablement revêtir
une couleur socialiste, c’est-à-dire chercher à renverser la
domination de la bourgeoisie, la domination du capital, et à
détruire les assises
mêmes
du régime social actuel.
Au
début, ce mouvement fut extrêmement mêlé et confus. Y adhéraient
des patriotes qui espéraient que la Commune reprendrait la guerre
contre les Allemands et la mènerait à bonne fin. Il était soutenu
par les petits commerçants menacés de ruine si le paiement des
traites et des loyers n’était pas suspendu (ce que le gouvernement
leur avait refusé, mais que la Commune leur accorda). Enfin, au
début, il bénéficia même en partie de la sympathie des
républicains bourgeois qui craignaient que l’Assemblée nationale
réactionnaire ( les « ruraux », les hobereaux sauvages) ne
restaurât la monarchie. Mais dans ce mouvement, le rôle principal
fut naturellement joué par les ouvriers (surtout par les artisans
parisiens) parmi lesquels une active propagande socialiste avait été
menéedurant les dernières années du second Empire et dont beaucoup
appartenaient même à l’Internationale.
Les
ouvriers seuls restèrent fidèles jusqu’au bout à la Commune. Les
républicains bourgeois et les petits bourgeois s’en détachèrent
bientôt : les uns effrayés par le caractère prolétarien,
socialiste et révolutionnaire du mouvement ; les autres lorsqu’ils
le virent condamné à une défaite certaine. Seuls les prolétaires
français soutinrent sans crainte et sans lassitude leur
gouvernement
; seuls ils combattirent et moururent pour lui, c’est-à-dire pour
l’émancipation de la classe ouvrière, pour un meilleur avenir de
tous les travailleurs.
Abandonnée
par ses alliés de la veille et dépourvue de tout appui, la Commune
devaitc inéluctablement essuyer une défaite. Toute la bourgeoisie
de la France, tous les grands propriétaires fonciers, toute la
Bourse, tous les fabricants, tous les voleurs grands et petits, tous
les exploiteurs se liguèrent contre elle. Cette coalition bourgeoise
soutenue par Bismarck (qui libéra 100 000 prisonniers français pour
réduire Paris) réussit à dresser les paysans ignorants et la
petite bourgeoisie
provinciale contre le prolétariat parisien et à enfermer la moitié
de Paris dans un cercle de fer (l’autre moitié étant investie par
l’armée allemande).
Dans
certaines grandes villes de France (Marseille, Lyon, Saint-Etienne,
Dijon et ailleurs), les ouvriers tentèrent également de s’emparer
du pouvoir, de proclamer la Commune et d’aller secourir Paris, mais
ces tentatives échouèrent rapidement. Et Paris, qui leva le premier
le drapeau de l’insurrection prolétarienne, se trouva réduit à
ses seules forces et voué à une perte certaine.
Pour
qu’une révolution sociale puisse triompher, deux conditions au
moins sont nécessaires : des forces productives hautement
développées et un prolétariat bien préparé. Mais en 1871 ces
deux conditions faisaient défaut. Le capitalisme français était
encore peu développé et la France était surtout un pays de petite
bourgeoisie (artisans, paysans, boutiquiers, etc.). Par ailleurs, il
n’existait pas de parti ouvrier ; la classe ouvrière n’avait ni
préparation ni long entraînement et dans sa masse, elle n’avait
même pas une idée très claire de ses tâches et des moyens de les
réaliser. Il n’y avait ni sérieuse organisation politique du
prolétariat, ni syndicats ou associations coopératives de masse...
Mais
ce qui manqua surtout à la Commune, c’est le temps, la possibilité
de s’orienter et d’aborder la réalisation de son programme. Elle
n’avait pas encore eu le temps de se mettre à l’oeuvre que le
gouvernement de Versailles, soutenu par toute la bourgeoisie,
engageait les hostilités contre Paris. La Commune dut, avant tout,
songer à se défendre. Et jusqu’à la fin, survenue entre les 21
et 28 mai, elle n’eut pas le temps de penser sérieusement à autre
chose. Au demeurant, malgré des conditions aussi défavorables,
malgré la brièveté de son existence, la Commune
réussit à prendre quelques mesures qui caractérisent suffisamment
son véritable sens et ses buts. La Commune remplaça l’armée
permanente, instrument aveugle des classes dominantes, par l’armement
général du peuple ; elle proclama la séparation de l’Église et
de l’État, supprima le budget des Cultes (c’est-à-dire
l’entretien des curés par l’État), donna à l’instruction
publique un caractère tout à fait laïque et par là même porta un
coup sérieux aux gendarmes en soutane. Dans le domaine purement
social, elle n’eut pas le temps de faire beaucoup de choses, mais
le peu qu’elle fit montre avec suffisamment de clarté son
caractère de gouvernement ouvrier, populaire : le travail de nuit
dans les boulangeries fut interdit ; le système des amendes, ce vol
légalisé des ouvriers, fut aboli ; enfin, la Commune rendit le
fameux décret en vertu duquel toutes les fabriques, usines et
ateliers abandonnés ou immobilisés par leurs propriétaires étaient
remis aux associations ouvrières qui reprendraient la production. Et
comme pour souligner son caractère de gouvernement authentiquement
démocratique et prolétarien, la Commune décida que le traitement
de tous les fonctionnaires de l’administration et du gouvernement
ne devait pas dépasser le salaire normal d’un ouvrier et en aucun
cas s’élever au-dessus de 6 000 francs par an.
Toutes
ces mesures montraient assez clairement que la Commune s’avérait
un danger mortel pour le vieux monde fondé sur l’asservissement et
l’exploitation. Aussi la société bourgeoise ne put-elle dormir
tranquille tant que le drapeau rouge du prolétariat flotta sur
l’Hôtel de Ville de Paris. Et lorsque, enfin, les forces
gouvernementales organisées réussirent à l’emporter sur les
forces mal organisées de la révolution, les généraux
bonapartistes, battus par les Allemands et courageux contre leurs
compatriotes vaincus firent un carnage comme jamais Paris n’en
avait vu. Près de 30 000 Parisiens furent massacrés par la
soldatesque déchaînée, près de 45 000 furent arrêtés dont
beaucoup devaient être exécutés par la suite ; des milliers furent
envoyés au bagne ou déportés. Au total, Paris perdit environ 100
000 de ses fils et parmi eux les meilleurs ouvriers de toutes les
professions.
La
bourgeoisie était contente. «
Maintenant, c’en est fait du socialisme, et pour longtemps ! »,
disait son chef, le nabot sanguinaire Thiers, après le bain de sang
qu’avec ses généraux il venait d’offrir au prolétariat
parisien. Mais ces corbeaux bourgeois croassaient à tort. À peine
six ans après l’écrasement de la Commune, alors que nombre de ses
combattants croupissaient encore au bagne ou languissaient en exil,
le mouvement ouvrier renaissait déjà en France. La nouvelle
génération socialiste, enrichie par l’expérience de ses aînés
et nullement découragée par leur défaite, releva le drapeau tombé
des mains des combattants de la Commune et le porta en avant avec
assurance et intrépidité aux cris de «
Vive la révolution sociale ! Vive la Commune ! »
Et quelques années plus tard, le nouveau parti ouvrier et
l’agitation qu’il avait déclenchée dans le pays obligeaient les
classes dominantes à remettre en liberté les communards restés aux
mains du gouvernement.
Le
souvenir des combattants de la Commune n’est pas seulement vénéré
par les ouvriers français, il l’est par le prolétariat du monde
entier. Car la Commune lutta non point pour quelque objectif local ou
étroitement national, mais pour l’affranchissement de toute
l’humanité laborieuse, de tous les humiliés, de tous les
offensés. Combattante d’avant-garde de la révolution sociale, la
Commune s’acquit
des sympathies partout où le prolétariat souffre et lutte. Le
tableau de sa vie et de sa mort, l’image du gouvernement ouvrier
qui prit et garda pendant plus de deux mois la capitale du monde, le
spectacle de la lutte héroïque du prolétariat et de ses
souffrances après la défaite, tout cela a enflammé l’esprit de
millions d’ouvriers, fait renaître leurs espoirs et gagné leur
sympathie au socialisme. Le grondement des canons de Paris a tiré de
leur profond sommeil les couches les plus arriérées du prolétariat
et donné partout une impulsion nouvelle à la propagande
révolutionnaire socialiste. C’est pourquoi l’oeuvre de la
Commune n’est pas morte ; elle vit jusqu’à présent en chacun de
nous.
La
cause de la Commune est celle de la révolution sociale, celle de
l’émancipation politique et économique totale des travailleurs,
celle du prolétariat mondial. Et en ce sens, elle est immortelle.
(kurtsiban dauden zatiak, Pospolo kutxaren 3. zenbakian ez ziren agertu; tokiaren limitazioa dela eta, idazki partziala argitaratu genuen)
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